« Pour protéger la nature, il faut la rendre accessible »
22/11/2022de La Rédac' Huttopia
Interview de Raymond Desjardins, ex-président directeur général de la SEPAQ (Société des Etablissements de Plein Air du Québec) : Pour protéger la nature, il faut la rendre accessible.
A la fin des années 1990, le gouvernement du Québec décide de repenser le modèle de développement et d’exploitation des parcs de la province Canadienne. Une décision qui va révolutionner la contribution des aires protégées dans le paysage économique et touristique du Québec. Rencontre avec Raymond Desjardins, ex-président directeur général de la SEPAQ (Société des Établissements de Plein Air du Québec).
Pourquoi le Québec a fait des parcs nationaux une priorité il y a 22 ans ?
À l’époque, les aires protégées n’étaient pas considérées comme des moteurs du développement économique des régions. Il y avait une opposition entre les objectifs environnementaux et le développement économique. Beaucoup d’organisations régionales considéraient les parcs comme des espaces inexploités compte tenu du sous-financement, de la faible fréquentation, et de l’absence de vision. Cette problématique était d’autant plus significative compte tenu de la superficie des parcs, certains atteignant plus de 1000 km carrés ! L’objectif du gouvernement était donc de faire des parcs des produits d’appels touristiques, tout en renforçant leur mission environnementale, afin qu’ils contribuent à la création d’emplois et au développement économique des régions.
Comment vous avez procédé ?
Le gouvernement a d’abord confié la responsabilité à une société d’État, la SÉPAQ. Ce type de gestion, beaucoup plus souple qu’un ministère, permettait de beaucoup mieux répondre aux exigences de service à la clientèle. Dans ce modèle, le ministère établit les lois et les politiques gouvernementales, et la Société d’État assure la gestion et le développement. Nous avons établis des standards de qualité élevés pour tous les parcs. Parallèlement, le gouvernement a modifié la loi afin que tous nos parcs provinciaux deviennent des parcs nationaux.
Pourquoi ce changement de statut ?
Un parc national, c’est un statut de protection supérieur. Ce changement de niveau nous a donc créé une obligation… Et nous a aidé aussi à gagner en notoriété.
Surtout, les parcs nationaux sont des territoires protégés pour lesquels une cartographie très fine existe. Ce zonage précise ce qu’il est possible ou pas de faire dans chaque secteur du parc. De la zone de conservation intégrale, l’équivalent d’une réserve écologique, à la zone de services où peuvent être construites les infrastructures (stationnement, bâtiment d’accueil, etc.) en passant par la zone de conservation (la majorité d’un parc), ou la zone d’ambiance, ce zonage permet un accès public du territoire et en fixe les conditions.
C’est sur cette base que nous avons développé les activités, services, et hébergements. Cette approche a permis d’augmenter le nombre de visiteurs 2 millions à plus de 4 millions en moins de 5 ans.
Donc il est possible d’accueillir plus de monde sans risque pour la nature ?
Je suis intimement persuadé que pour protéger la nature il faut la rendre accessible. Garantir un accès à la nature contribue à faire des citoyens les protecteurs de leurs territoires. Nous avons donc investi massivement sur des activités et des programmes éducatifs, avec des naturalistes qui répondent directement aux questions des visiteurs.
Nous avons aussi fait des choix de développement en nous appuyant sur les équipes de conservation. Par exemple : construire un simple sentier, c’est accepter d’impacter un morceau de milieu naturel mais de façon raisonnée puisqu’on peut réduire cet impact en s’assurant que le tracé sera appuyé sur des avis scientifiques. Mais surtout, le bénéfice est immense : ce sentier permet à des gens de pénétrer la nature, de s’en imprégner et de mieux comprendre l’importance de la nature qui les entoure.
Cet afflux de visiteurs n’a pas eu des conséquences ?
Il a fallu adapter, au fur et à mesure, les activités et services proposés en fonction de l’évolution des besoins des clients : randonnée, ski de fond, raquette, Fat Bike etc. L’idée a toujours été de faciliter la vie des gens pour qu’ils viennent dans les parcs et qu’ils en deviennent les meilleurs ambassadeurs. Les parcs nationaux sont devenus aujourd’hui de vrais produits d’appels pour amener des touristes au Québec. Dans certaines régions, les parcs comptent parmi les plus gros employeurs du coin.
Comment avez-vous géré la question de l’hébergement ?
Nous nous sommes rapidement aperçus que le camping traditionnel était en perte de vitesse. Les gens adoraient l’expérience mais ils trouvaient cela trop compliqué à cause de l’équipement et du temps que le camping demande… Les habitudes de consommation changeaient, tout simplement.
C’est à cette époque que Céline et Philippe Bossanne ont pris contact avec nous pour nous présenter leur tente Canadienne, inspirée des tentes que les trappeurs montaient dans nos forêts. La SEPAQ et Huttopia partageaient la même philosophie. Nous avons établi un partenariat d’affaires, et Huttopia a su adapter sa tente aux conditions particulières du Québec. Quelques mois plus tard, ces tentes françaises étaient implantées dans plusieurs de nos parcs. Le succès a été instantané et plusieurs centaines de tentes Huttopia ont été déployées dans l’ensemble du réseau. Cette alliance a permis de lancer un produit novateur et original qui répondait parfaitement aux attentes des consommateurs de l’Amérique du Nord.